Accueillir l'hétérogénéité
Accueillir l’hétérogénéité
“Créolisation” est une modalité de la production du nouveau, non pas un tout formé de la somme de ses parties, ni un mélange des éléments, ni une moyenisation. La créolisatrion n’est pas ce processus convergent dont l’aboutissement serait un état statique final, une “entropie”. Tout au contraire, en architecture la créolisation doit être envisagée comme une augmentation des forces d’un milieu de vie par la multiplication de ses éléments structurels articulés.
Pour reprendre le vocabulaire philosophique de Bernard Steigler, c’est bien la notion de « négentropie » qu’il faudrait invoquer. Nous parlons d’une architecture faite d’intensifications ponctuelles et multiples, une manière de “faire des mondes”, ici, maintenant, ailleurs, autrefois. Dans l’architecture vécue et habitée, la diversité est source d’étonnement et garantie d’avenir. Ce sont donc des alliages, créés par la rencontre et la relation, qui donnent leur rosbustesse aux projets. A nous d’organiser la diversité des milieux de vie.
L’architecture solide est ainsi multilingue. Elle puise dans la pensée du poète Edouard Glissant : « le multilinguisme : renoncement à l’orgueilleux à-part monolingue, la tentation d’une participation à l’emmêlement mondial » (Poétique de la Relation, NRF Gallimard, p.133)
L’architecture est touchée pas la langue, quand elle se technocratise c’est d’abord par cette entrée. De toute part voici que les mots pour la décrire se désèchent. Il faut créer des contre-espace de langue. Les langues vernaculaires ou composites sont subversives, elles sont en prise avec les situations. C’est le créole «créole : langue dont le lexique et la syntaxe appartiennent à des masses linguistiques hétérogènes, le créole est un équilibre ».
A Bègles, le projet Les Hauts Plateaux organise un tel contre-espace de voisinage et de densité sociale, c’est un “lotissement vertical”. Le nouveau est créé par créolisation, assemblage non programmé. Indéterminé comme le sont les façade des immeubles KTT de Hanoï, dans lesquels les habitants transforment leurs lieux de vie sans planification.